Je m’appelle Fatimata Ball, je suis infirmière de formation. Actuellement je travaille au niveau du Secrétariat Exécutif National de lutte contre le VIH Sida. Je suis chargée de l’animation et du suivi des activités de mise en œuvre au profit des personnes vivant avec le VIH.
Les spécificités de la Mauritanie c’est que c’est une république islamique. Le poids de l’Islam est très important. Il y a un très bon coté qui fait qu’il faut donner des droits à tout être humain y compris les personnes vivant avec le VIH : droit d’assistance, de prise en charge. Mais aussi il y a des faiblesses, comme par exemple on ne peut parler facilement de la sexualité ou des préservatifs. Et puis au niveau de la Mauritanie A.V, on a un taux de moins d’un pourcent. Donc le VIH n’est pas ressenti vraiment par la population comme un problème vital. Au niveau familial c’est la peur de la contamination qui prédomine. Et le VIH est perçu comme le synonyme d’une mort imminente, et la personne vivant avec le VIH comme la source d’une dépense inutile. Voila comment les gens voyaient le VIH en gros, depuis quelques années et ça reste encore un peu dans la société.
On parle du VIH à la radio et à la télévision et à mon avis insuffisamment. Parce ce que je pense que c’est important dire aux personnes il y a le VIH, ça se transmet comme tel comme tel par des professionnels, c’est une chose. Mais aussi donner une dimension humaine au VIH en montrant les personnes qui vivent avec. Actuellement, en Mauritanie, il n’y a que deux personnes qui sont prêtes à le faire. Mais chaque fois que nous passons quelque part pour faire un témoignage, on voit très bien que les gens sont un peu sceptiques. On voit qu’ils ne croyaient pas vraiment à toutes ces choses qu’on leur racontait et après, ils sont beaucoup plus soulagés, ils sont beaucoup plus convaincus et ça les incite à aller se faire consulter. Le message passe plus rapidement et plus facilement.
Je fais des témoignages quand il y a des formations. Je leur parle du VIH. Je commence par dire que je vis avec, que mon mari vit avec le VIH, comment nous affrontons la maladie et comment ça a débuté. Toutes les difficultés que nous avons eues et ou nous en sommes aujourd’hui. J’explique qu’est ce que c’est que le VIH, comment ça se transmet et je cite les cas de discriminations, je leur donne des exemples en leur disant que tous le monde est touché et j’explique que le VIH ne se transmet pas par la main, ne se transmet pas par les habits, on peut manger avec cette personne, vivre dans la même maison, donc il n’y avait pas de raison de la rejeter.
Et que étant musulman aussi, parce qu’il faut toujours faire jouer cette fibre la aussi, étant musulman, on n’avait pas le droit de discriminer, c’est contre le principe de l’Islam. Et les gens pleurent quand on leur parle de cela, des cas de discrimination, des gens qui se sont laissés mourir parce qu’ils sont rejetés de leur famille. Je crois que moi je suis surtout très agressive quand j’en arrive à la discrimination et la stigmatisation. J’accuse toujours, j’accuse toujours la société, je leur dis qu’ils ont un rôle à jouer et qu’ils devraient jouer ce rôle la. Quand il y a des grands meetings, il m’arrive d’être invitée. Par exemple dans un stade ou j’ai été, j’ai parlé de la stigmatisation et de la discrimination, j’ai cité des cas. Il y a une vielle femme qui s’est levée qui m’a dit, moi j’ai une cousine qui a le VIH. Quand j’ai entendu cela, ça fait deux années, je ne suis pas partie la voir, quand je l’aperçois je change de trottoir. Mais demain, j’irai la voir je lui donnerai la main. C’est petit peut-être sur l’échelle nationale, mais c’est quelque chose d’important, c’est quelque chose de très positif. Et même au niveau de la famille aussi, on fait des interventions. Lors de visites à domicile, avec l’association Espoir et Vie, je vais voir les malades, les aider à en parler avec leur conjoint, leur conjointe, les inviter à se faire dépister, leur expliquer surtout comment se transmet le VIH parce que les gens ont surtout peur de la contagion, ils pensent que c’est contagieux. Au moment ou ils comprennent que ce n’est pas contagieux et que cette personne ne représente pas un danger, déjà on peut leur parler plus facilement. Mais on a quand même beaucoup de cas de discrimination et de stigmatisation liés au VIH. Même sur le plan d’héritage, il y a un cas qui est là que je n’arrive pas à régler du tout et je me suis vraiment cassé la figure c’est malheureux mais je pense que tant qu’on pourra pas s’adresser directement à la société via la télévision parce que ça, ça sera vraiment le moyen le plus sûr pour leur dire, voila moi je vis avec le VIH et ce n’est pas inscrit sur mon front, et je ne suis pas un danger pour la population. Le danger c’est vous, vous qui ignorez votre sérologie, vous qui devez faire attention, qui devez vous faire dépister d’abord pour votre sécurité et celle de votre famille. Moi j’ai besoin de vous, pour vivre. Des personnes comme moi ont besoin de votre solidarité, de votre affection et on peut vivre aussi avec le VIH, ce n’est pas le signe d’une mort imminente, on peut vivre avec, on peut servir à quelque chose. Et ça je pense que c’est très important, ça pourra avoir un impact positif.Le premier problème, c’est que le dépistage anonyme gratuit et volontaire ne marche pas très bien. Les gens ont peur d’aller se faire dépister parce qu’ils se disent qu’ils vont découvrir qu’ils sont malades parce qu’ils n’ont pas assez d’information sur la prise en charge. Et certains même disent que le VIH n’existe pas, c’est une invention. Donc c’est la que j’insiste pour dire qu’il faut qu’ils voient des personnes vivant avec le VIH. Il faut qu’ils les entendent pour être convaincus. Et il y a ceux qui refusent d’aller se faire dépister parce qu’ils ont peur des résultats, et ils pensent qu’une fois dépistés, ils vont être jetés. Il y a ceux qui pensent que quand on est dépisté, on va à l’hôpital, on reçoit des injections pour l’euthanasie. Il y a ceux qui pensent que les personnes vivant avec le VIH sont enfermées dans un hôpital et ne sortent plus jamais. Donc, pour vous dire que vraiment, coté sensibilisation, ça laisse encore à désirer.
Une fois qu’ils sont dépistés, y a qu’un centre de prise en charge médical, c’est à Nouakchott. Et ça, ça alourdit la prise en charge. Il faut venir de l’intérieur. Et pour venir il faut les moyens pour arriver jusqu’ici. Non seulement les transports, mais une fois ici encore, pour se payer un chambre ou des choses comme ca. Donc la personne, elle a du mal à venir, quand on l’aide à venir, elle a du mal à loger parce qu’elle voit que sa famille la rejette, et elle a peur de prendre des médicaments, elle a peur de venir souvent à Nouakchott pour que la famille ne comprenne pas qu’elle vit avec le VIH, elle a peur d’expliquer ça à son conjoint ou sa conjointe, à ses enfants ou bien à ses parents. Ca cause beaucoup de problèmes pour la prise en charge. Même si elle est gratuite, même si elle est la, elle est gratuite, il faut toujours être derrière leur dos, leur expliquer l’intérêt de l’observance, et aussi l’intérêt de partager leur sérologie avec leurs proches pour qu’ils puissent les aider à prendre les médicaments. Parce que quand la famille est dans la confidence, la personne, elle vit beaucoup mieux sa sérologie. Elle arrive à prendre ses médicaments aux heures qu’il faut, il y a toujours quelqu’un qui va lui rappeler « est-ce que tu as pris ton traitement ? ». Mais s’ils ne savent pas, ils vont toujours lui dire ; « qu’est-ce que tu prends ? Pourquoi tu prends tous ces médicaments la ? » Parce que les Mauritaniens sont très curieux.
Espoir et Vie s’occupe des visites à domicile, organise des groupes de parole, appuie à l’observance et puis l’achat des médicaments mais pas les ARV. C’est pour les infections opportunistes et autres par exemple les médicaments pour la gynécologie la pédiatrie, ou autres.
Espoir et Vie fait l’accompagnement, ils ont le financement du Fonds Mondial. Ils ont le financement des Orphelins et Enfants Vulnérables (OEV) pour orphelins, ou il y a appui à la scolarité, appui à la nourriture, donc distribution des kits alimentaires, et en plus de cela il y a aussi la prise en charge médicale de ces OEV, Orphelins et Enfants Vulnérables, tous ça dans le cadre du fonds Mondial.
Ca commence, vraiment, mais ça reste encore parce qu’il y a beaucoup de malades, ça ne fait qu’augmenter. Avant c’était la prise en charge de 600 PVVIH, 600 OEV qu’on avait vu mais maintenant les malades sont à 1,500 et quelque. Donc ça augmente beaucoup.
Et il y a lieu vraiment d’augmenter la prise en charge, de mettre un accent très fort sur ça et sur le dépistage aussi parce que quand on voit il y a une personne qui est dépistée positive, on va voir ses parents aussi pour faire le plaidoyer, partager avec eux l’information et les inviter à se faire dépister. Une fois qu’ils sont dépistés la plupart sont dans des mauvais états physiques ou bien économiques. C’est des personnes qu’il faut assister, qu’il faut accompagner et il faut que les moyens soient là, il faut vraiment que tout soit mis en œuvre pour qu’on puisse aller jusqu’au bout. Au lieu de seulement découvrir quelque chose et laisser la personne en plan.
Il y a aussi les AVR bon ce n’était pas beaucoup c’était timide. La il y a le Fonds Mondial qui vient de donner les AVR on n’a pas encore commencé. J’espère que vraiment ça ciblera vraiment les vrais bénéficiaires parce ce que parmi les bénéficiaires il y en a encore qui sont plus que vulnérables qu’il faut assister, les aider à reprendre une vie, une activité professionnelle à vivre dignement de cela au lieu de continuer à trainer de gauche à droit ou à tendre la main.
Source : http://www.theglobalfund.org/EN/in_action/mauritania/hiv1/